Question à Monsieur Rachid Madrane, ministre de la Jeunesse, de l'Aide à la jeunesse
M. André du Bus. - Monsieur le Ministre, les auditions sur «l’affaire Thiam», qui se sont tenues ici-même le 26mars dernier, ont été l’occasion de discuter des solutions à envisager pour professionnaliser les fédérations sportives, renforcer leur symbiose et gérer leurs relations avec les athlètes de haut niveau. À ce sujet, je retiendrai les propos particulièrement éclairants de Thierry Zintz et de Jacques Borlée, qui insistaient tous les deux sur la nécessité de mettre le management au service de la performance sportive, tout en n’en faisant pas l’unique préoccupation des fédérations sportives.
En revanche, nous n’avons pas eu l’occasion d’aborder avec vous la création du collectif dénommé AthlePro, nouvelle structure qui rassemble douze athlètes de haut niveau et qui est destinée à mieux porter leur voix dans la gestion de l’athlétisme de haut niveau. Elle sera l’interlocutrice privilégiée des instances de la Ligue belge francophone d’athlétisme(LBFA) au moment de prendre toutes les décisions importantes.
Que pensez-vous du souhait de M.Borlée de créer un centre de haute technologie et de neurosciences à Bruxelles? Il s’agirait d’engager et de renforcer les échanges entre les athlètes de haut niveau, les universités et les experts, mais aussi de débattre des avancées technologiques qui existent, notamment dans les universités, et qui doivent être mises au service du sport. J’avais été fort impressionné par les propos de M. Borlée sur les neuros-ciences.
En outre, la commission des athlètes et le Comité olympique et interfédéral belge (COIB) ont-ils déjà commencé à discuter du nouveau code de conduite du COIB, destiné à régler les questions d’utilisation de l’image des participants tout comme leur tenue vestimentaire?
Enfin, quelle sera la structure juridique d’AthlePro? Comment sera-t-elle financée? Quelles sont exactement ses fonctions? D’autres disciplines que l’athlétisme vont-elles en faire partie? La création d’AthlePro pourrait-elle, en quelque sorte, priver les fédérations du sport de haut niveau? En avez-vous expliqué les objectifs à MmeThiam, qui ne souhaite pas être signataire de cette commission des athlètes avant d’en connaître les objectifs?
M. Rachid Madrane, ministre.– Monsieur le Député, les auditions du 26mars2019 ont permis –et c’est heureux–de dépasser le sujet des difficultés entre la ligue et certains athlètes pour aborder d’autres sujets. La plupart d’entre vous se souviendront que ces difficultés ont d’ailleurs trouvé des solutions au moment même où ces auditions ont eu lieu. L’administration et moi-même, nous avions entretenu de nombreux contacts avec toutes les parties.
Parmi les autres sujets abordés, M.Borlée a évoqué son projet de création sur le territoire bruxellois d’un centre consacré au sport de haut niveau où la science, et particulièrement les neurosciences, serait au service de la performance et de l’excellence sportive.
Quand je suis devenu ministre des Sports, M.Borlée m’a directement parlé du projet «European Sports Academy»(ESA). Des études-pilotes avaient d’ailleurs été subventionnées par Beliris. Ce projet a été développé sans les entités fédérées compétentes pour le sport ou les infrastructures sportives et les acteurs du secteur que sont les fédérations.
Je n’ai pas eu écho de marques d’intérêt particulières des fédérations lors de ces études préliminaires. Cela ne signifie pas que le projet n’est pas pertinent. Vous n’entendrez jamais le ministre des Sports dire qu’il y a aujourd’hui trop de moyens ou trop d’infrastructures pour le sport de haut niveau en Belgique francophone, à Bruxelles en particulier.
J’ai soutenu, avec un peu plus de 100000 euros, un projet de recherche appliquée en neurosciences au service de l’axe sportif développé par l’équipe du professeur Chéron afin qu’il puisse le développer au mieux avec les différents acteurs du sport de haut niveau, dont M. Borlée.
Je pense cependant que ce projet d’ESA devrait être développé de concert avec tous les acteurs concernés. À cet égard, il me semble que les fédérations sont actuellement sensibles au développement de ce qui existe déjà dans ce domaine de l’apport de la recherche scientifique au sport de haut niveau, ainsi d’ailleurs que des infrastructures permettant l’excellence sportive. Je pense principalement –vous le savez puisque des députés souhaiteraient y aller–à la piste couverte pour le haut niveau à Louvain-La-Neuve–un investissement de 22 millions–, ou au soutien apporté par le Centre d’aide à la performance sportive (CAPS) qui offre tous les services aux fédérations sportives, avec les compétences scientifiques avérées des trois centres universitaires: l’Université libre de Bruxelles (ULB), l’Université catholique de Louvain (UCLouvain) et l’Université de Liège (ULiège). Je rappelle notamment l’investissement de 22 millions pour le Sart Tilman.
Le nouveau code de conduite du Comité olympique et interfédéral belge (COIB) réglera les questions d’utilisation de l’image des athlètes, tout comme leur tenue vestimentaire, qui sera d’application pour les prochains Jeux olympiques de Tokyo. Ce nouveau code de conduite est actuellement l’objet de discussions au sein même du COIB, en collaboration avec la commission des athlètes. L’administration de l’éducation physique et des sports (ADEPS) n’a pas à intervenir de manière institutionnelle dans ce processus propre à l’organisation olympique.
Enfin, dans le cadre de la réunion que j’ai eue avec les douze signataires d’une lettre ouverte du milieu de l’athlétisme francophone, ceux-ci m’ont présenté leur nouvelle structure, baptisée AthlePro. Elle représente une sorte de «syndicat»des athlètes, du milieu de l’athlétisme. Ces derniers ne s’estiment pas suffisamment entendus par leur fédération. Cette structure est donc totalement privée. Je ne sais quelle forme juridique prendra, ni comment elle sera financée, ni même quels athlètes en feront partie. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une privatisation du sport de haut niveau, mais d’un regroupement d’individus qui veulent se donner une visibilité collective et une capacité de dialogue avec leur fédération.
Je voudrais ajouter que la réunion avec les différents athlètes s’est révélée très utile et que j’ai été ravi de les recevoir. J’ai découvert en eux beaucoup de maturité.
Deux autres initiatives sont également à distinguer. Il s’agit, d’une part, de l’annonce par la ligue belge francophone d’athlétisme (LBFA) de la création en son sein d’une commission des athlètes. Je pense que c’est à propos de cette structure que le nom de MmeThiam a été évoqué pour la présidence et que cette dernière a réagi avec prudence en demandant plus d’informations avant de s’engager.
Enfin, tirant les enseignements de ces événements, j’ai annoncé la création, sous la tutelle de mon administration, de structures de concertation qui regrouperont les athlètes de haut niveau, les entraîneurs, les managers et les agents dans le but de doter mon administration de structures de concertation avec les principaux acteurs de la politique du sport de haut niveau, outre les fédérations. Mon administration met actuellement ces structures sur pied. Elles concerneront donc l’ensemble des sportifs de haut niveau sous contrat et leur équipe d’encadrement.
Je rappelle qu’à la suite des différentes réunions qui se sont tenues, nous avons, en toute modestie, pu rétablir le dialogue, régler une série de dossiers lancinants depuis des décennies. Nos athlètes ont fait preuve d’une très grande maturité. Nous pouvons être fiers des résultats obtenus par ces derniers, parce qu’aujourd’hui, nous sommes un petit pays, une petite Communauté, mais nous produisons des athlètes de très haut niveau. Si nous disposons d’athlètes comme les frères Borlée, des entraîneurs comme Jacques Borlée, une athlète comme Nafissatou Thiam, c’est qu’au fond, nous pouvons être fiers de ce que nous accomplissons en matière de sport.
M. André du Bus.–Je vous rejoins dans votre conclusion, Monsieur le Ministre. Nous devons soutenir en effet, par tous les moyens possibles et imaginables, les initiatives ou l’existence, comme le relevait M.Borlée, d’un tel centre de haute technologie, car il participe non seulement à l’avancement et au soutien des athlètes,mais également à notre image de marque. La promotion de Bruxelles et de la Communauté française passe aussi par des initiatives phares telles que celles-là.
Notre pays et la Région bruxelloise sont réputés dans le domaine de la recherche médicale. On en parle de plus en plus. Lorsque j’ai travaillé au Sénat, voici quelques années, sur des thérapies innovantes, j’ai découvert à quel point nous étions à la pointe de toute une série de technologies, surtout dans la maîtrise de la technologie au service de la santé. Ici, c’est au service de la performance, de la physiologie, ce qui n’en est pas très éloigné. Dans ce domaine particulier, nous avons vraiment des cartes à jouer, en poussant, en accentuant et en soutenant davantage la recherche. Vos réponses et les auditions tenues voici un mois ont permis d’ailleurs de comprendre à quel point nous bénéficions de pépites dans ce domaine.
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