Assimiler l’activité physique régulière à un outil de santé publique

Publié par andredubus le
Intervention concernant la proposition de résolution en commission des sports de la Communauté française

Monsieur le Ministre,

Chers collègues,

1. Introduction et la nécessité de promouvoir l’activité physique chez les personnes atteintes de diverses pathologies

Ce n’est pas sans un brin de fierté et d’émotion que je m’adresse devant vous aujourd’hui afin de défendre ma Proposition de résolution visant à assimiler l’activité physique régulière à un outil de santé publique, pour laquelle je remercie le partenaire socialiste, mais également les Groupes politiques Ecolo et Défi d’avoir bien voulu s’y associer.

En effet, en tant que kiné de formation (et de pratique professionnelle durant une dizaine d'années), j'ai acquis la conviction que la pratique régulière d'une activité physique (pas nécessairement sportive) était une condition nécessaire pour le maintien en bonne santé et la prévention de nombreuses pathologies. C'est une des raisons qui, à l'époque, a motivé mon engagement en politique. J'ai ainsi voulu promouvoir à de nombreuses reprises cette idée dans les différentes assemblées au sein desquelles j’ai siégé, notamment en déposant au Sénat, en 2013, une Proposition de résolution ayant pour objet de définir une nouvelle prestation de kinésithérapie, axée sur la prévention et la promotion de la santé par le soutien et l’encadrement d’activités physiques, à l’attention des personnes affectées d’un pré-diabète.

A cet égard, en termes de santé publique, on ne peut ignorer l’évolution d’une série de pathologies (diabète, lombalgies, burn-out, maladies chroniques) directement liées au mode de vie qui caractérise notre société. Les multiples études à leur propos mettent en lumière la nécessité de travailler sur un des paramètres qui caractérise le style de vie : la sédentarité. Et la première manière de lutter contre la sédentarité est d’assurer la promotion de l’activité physique. Aussi bien en termes préventifs que, dans certains cas, curatifs.

Les chiffres sont là, suffisamment éloquents. Selon un rapport de l’OMS, seuls 36% des belges ont une activité physique régulière12. Il ressort du rapport 2017 de l’OCDE sur l’obésité que 18,6% de la population belge âgée de plus de 15 ans était en surcharge pondérale en 2015. Chez les travailleurs belges, les résultats de l’enquête publiée en septembre 2018 et menée par l’IDEWE, démontrent que plus de la moitié des employés et ouvriers belges sont en surpoids (54,6%), et que près d’un travailleur sur cinq est en situation d’obésité (18,8%)3. Sortir de la sédentarité relève d’un enjeu qui touche l’ensemble de la population et dont les racines s’inscrivent aussi dans une culture éducative et scolaire qui ne valorise pas à bon escient les bienfaits d’une activité physique régulière.

Par ailleurs, l’augmentation de l’espérance de vie se traduit par un vieillissement et la mise en lumière des besoins spécifiques dans le maintien en mouvement de ces personnes âgées afin de reculer le plus possible leur entrée dans la dépendance. Les programmes d’activité physique proposés aux personnes âgées connaissent un succès croissant.

Certaines autorités locales ont franchi récemment un pas supplémentaire en devenant partenaires d’un programme innovant intitulé « Le sport sur ordonnance » qui allie les ressources locales (médecins, professionnels de la motricité et infrastructures sportives) pour soutenir la prescription d’activité physique à des fins thérapeutiques. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Enfin, et de manière plus générale, on voit éclore de nombreuses initiatives incitant les citoyens à se remettre en mouvement. Le programme « Je cours pour ma forme »4, qui bénéficie du soutien mutuelliste, bénéficie d’un véritable succès d’estime. De plus les progrès technologiques voient aujourd’hui l’éclosion d’applications téléchargeables qui permettent à chacun de quantifier son activité physique quotidienne ou encore d’adopter des programmes de mise en forme de façon autonome.

On le comprend rapidement, la promotion de l’activité physique est aujourd’hui au cœur d’une multitude de préoccupations. Elle s’adresse à des profils très différents de citoyens qui déterminent des besoins distincts les uns des autres. Le programme de mise en mouvement d’une personne qui ne connaît aucun problème de santé n’a rien à voir avec celui d’un opéré cardiaque, d’une personne obèse ou encore d’un patient lombalgique. A ce titre, l’enjeu de la mise en mouvement fait appel à des professionnels dont les profils de formation sont différents, en fonction des besoins de la personne et du type de prévention. A cet égard, pour la définition des trois types de prévention en matière de santé (prévention primaire, secondaire et teritaire) qui permettent de mieux cibler les champs d’action possibles, les populations concernées, le rôle, la place et le profil des professionnels concernés, je vous renvoie vers le texte de la Proposition de résolution.

2. La thérapie par le sport : une réalité aux Etats-Unis, en France depuis plusieurs années, et dans plusieurs communes belges depuis 2018.

Le concept d’« Exercise Medicine/Therapy » que nous défendons dans ce texte a été proposé par le Collège Américain Médecine du Sport en 2007. Il se base sur un nombre important de données scientifiques avérées qui démontrent que l’activité physique peut être utilisée comme un outil thérapeutique efficace en complément ou non de thérapies pharmacologiques. Il propose d’adopter des programmes structurés d’exercices physiques à destination des publics cibles constitués de patients souffrant de diverses maladies, telles que les maladies métaboliques (obésité, diabètes, etc.), les maladies cardiovasculaires5, les cancers, l’hypertension artérielle, l’ostéoporose, la dépression, etc.

En France, depuis le 1er mars 2017, un médecin peut prescrire des séances sportives si le patient est atteint d’une affection dite de longue durée (ADL) et s’il est pris en charge par un spécialiste de l’activité physique adaptée (APA). En effet, le décret n°2016-1990 du 30 décembre 2016 relatif aux conditions de dispensation de l'activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d'une affection de longue durée6est à l’origine de la prescription de l’activité physique sur ordonnance et s’inscrit pleinement dans les politiques nationales de lutte contre les pathologies chroniques, l’obésité et le cancer, et l’éducation de la dépendance chez les personnes âgées.

Malheureusement, en Belgique, le « sport sur ordonnance » est encore peu répandu. Plusieurs causes sont à la source de ce constat : premièrement, le manque d’informations du public par les médecins généralistes, eux-mêmes peu sensibilisés aux bénéfices que génère la pratique d’une activité sportive auprès des patients atteints de maladies chroniques. Ensuite, le manque de structures sportives paramédicalisées disposant d’un encadrement adapté aux patients chroniques. On note également la dispersion des opérateurs aptes à proposer ces activités aux patients tout comme le manque de soutien de la Communauté française et du Fédéral à cet égard.

La motivation peut également parfois faire défaut auprès de certains patients. Or, celle-ci reste un enjeu majeur pour garantir la régularité de la mise en mouvement et par là, son efficacité. En cette matière, plusieurs facteurs sont déterminants dans l’adoption d’un changement de comportement. D’abord la parole du médecin et le fait qu’il prescrive une ordonnance. Ensuite que le programme soit encadré par un professionnel qui conseille, adapte le programme aux caractéristiques physiques et physiologiques du patient, réponde à ses questions, lui permette de se projeter dans le temps et lui fasse comprendre qu’il n’est pas seul face à ce nouveau défi. La pratique de l’activité physique en groupe représente également un facteur de soutien social très important. Enfin, face aux inégalités sociales de santé, l’accessibilité financière reste un élément fondamental.

Face à ces constats, en Fédération Wallonie-Bruxelles, quelques initiatives de « sport sur ordonnance » ont d’ores et déjà̀ été menées sur le terrain avec la collaboration de médecins généralistes, de kinésithérapeutes volontaires et des associations sportives. Ainsi, plusieurs communes ont lancé des projets pilotes à destination des patients provenant de ces communes ou de structures hospitalières et médicales avoisinantes. D’autres communes ont récemment manifesté leur souhait d’adopter un tel dispositif. Les programmes de « sport sur ordonnance » en vigueur représentent pour les patients un coût de 40€ pour trois mois à raison de deux séances par semaine. La différence étant prise en charge par les autorités communales (financement des installations, du matériel et d’une partie du coach) et les mutuelles.

En région bruxelloise, c’est le Mouvement sur Référence7 auquel adhèrent quatre communes, qui encourage le médecin généraliste à référer des patients présentant un profil plus à risque d’un point de vue santé vers un coach en mouvement.

Parallèlement et plus largement, de nouvelles offres de services voient le jour, qu’ils soient hospitaliers et/ou présentés sous forme d’ASBL, qui proposent une prise en charge de personnes fragilisées, de patients en traitement ou en revalidation oncologique.

En matière de formation des personnes encadrant les activités physiques adaptées, on assiste à l’émergence de formations qualifiantes (Exercise Medicine UCL-ULB-Liège, formation APA à la HEPL) qui constituent une réponse pertinente face à l’inflation de personnes qui s’improvisent coach, rééducateurs, entraîneurs, accompagnateurs sportifs quelques fois après une formation de quelques heures sur le net et qui sévissent dans différents milieux dont les salles de fitness.

3. Conclusions

Faire des professionnels de la santé et des professionnels de l’activité physique/sportive des partenaires en faveur du bien-être des citoyens est devenu aujourd’hui une nécessité. D’autant plus que le Communauté française, au travers ses compétences transversales telles que le sport, l’enseignement obligatoire, l’enseignement supérieur, et la promotion de la santé à l’école, dispose de leviers d’action qu’elle peut déjà activer tout en assurant le relais de ces préoccupations auprès des autres entités fédérale et fédérées.

Cette mission, que je qualifierais d’ « intérêt général » est d’autant plus importante à relever à l’heure où le numérique prend dès le plus jeune âge8 le dessus sur l’effort physique, à l’heure où le temps passé assis devant un écran n’arrête pas de s’allonger, à l’heure ou le syndrome du « burn-out » prend des proportions inquiétantes. A côté des effets favorables avérés du sport sur la santé (allongement de la durée de vie, la santé du cœur, la tension artérielle, le cholestérol sanguin, le diabète, la prévention du cancer du côlon, le contrôle du poids, l’ostéoporose, les symptômes d’anxiété et de dépression, etc.), la mise en place de programmes structurés d’exercices physiques joue un rôle fondamental dans la prise en charge thérapeutique de nombreuses maladies chroniques, en ce sens qu’ils complètent efficacement les traitements administrés durant une maladie. Dans ce contexte, il devient impératif de soutenir les initiatives de plus en plus nombreuses de promotion de la santé qui valorisent l’activité physique. En agissant sur le milieu scolaire, lieu d’apprentissage et d’adoption des comportements sociaux de vie et de santé. En intégrant les effets thérapeutiques d’une activité physique adaptée dans les formations de base des médecins et des autres professionnels de la santé. En renforçant les programmes de formation des Exercice Medicine tels qu’initiés actuellement. En incitant les pouvoirs publics locaux à soutenir davantage les initiatives locales proposant des programmes d’activité physique adaptée. En cadrant les conditions d’exploitation des salles de fitness dans une perspective de santé publique. Tel est l’objet de cette résolution qui incite le Gouvernement de la Communauté française à réfléchir sur le sujet ainsi qu’à collaborer avec les autorités fédérales et régionales, en charge de la santé et de la promotion de la santé.


1 Correspond au pourcentage de la population belge, âgée de 15 ans et plus, physiquement active, c’est-à-dire pratiquant au moins 30 minutes d’activité physique par jour.

2 Source : « Rapport d’information 2018 sur l’activité physique en Belgique », publié conjointement par l’Organisation Mondiale de la Santé et la Commission européenne dans le cadre de la mise en œuvre de la recommandation du Conseil de l’Union Européenne du 26 novembre 2013 sur la promotion transversale de l’activité physique bienfaisante pour la santé dans tous les secteurs, et du Plan d’action sur les maladies non-transmissibles 2012-2016, http://ec.europa.eu/assets/eac/sport/library/factsheets/belgium-factsheet_en.pdf. En Région wallonne, ce pourcentage correspond à 31% et en Région de Bruxelles-capitale, à 29%.

3 Dans le cadre de cette enquête, les données médicales de plus de 200 000 travailleurs ont été étudiées. Les différences par secteur sont frappantes : 70,3 % des travailleurs dans le secteur du transport sont en surpoids, contre « à peine » 47,3 % dans le secteur de l’enseignement. Source : www.idewe.be

4 Cette initiative, qui comptait près de 4000 membres en 2010, pour plus de 25 000 membres en 2016, est organisée dans plus de 200 communes et rassemble des sportifs amateurs et confirmés qui souhaitent pratiquer le jogging dans la convivialité.

5 Selon l’OMS, pratiquer une activité physique régulière (indépendamment du tabagisme et de la nutrition) permet d’éviter 30% des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral).

8 Dedicated, Institut d’études de marchés et de sondages d’opinions indépendant en Belgique a publié, en octobre 2017, les résultats d’un sondage auprès de 814 enfants (195 bruxellois et 619 wallons), consacré à l’occupation du temps libre des enfants de 11 à 18 ans. Si 68 % des sondés pratiquent du sport occasionnellement (au moins une fois par semaine en dehors de l’école), l’étude révèle que cette pratique décroît au fur et à mesure de leur vieillissement, mais aussi que les sondés joueraient en moyenne 5 heures par semaine sur smartphone et 6,5 heures sur consoles ou ordinateurs.