Question à Monsieur Rachid Madrane, ministre de la Jeunesse, de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, des Sports et de la Promotion de Bruxelles
M. André du Bus. - «Bodytalk», magazine dédié à la santé, publiait, novembre dernier, un article intitulé «Transgenres dans le sport: hommes ou femmes ?» qui mentionnait une nouvelle directive datant d’avril 2018, appliquée depuis le 1er novembre dernier, de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF). Cette dernière catégorise désormais les athlètes hyperandrogynes, c’est-à-dire produisant naturellement des taux plus élevés de testostérone, en fonction de leur taux de cette hormone dans leur organisme, qui, s’il s’avère être supérieur à cinq nanomoles par litre, peut engendrer soit l’exclusion de certaines d’entre elles à des compétitions sportives, soit leur réorientation vers les compétitions sportives masculines si elles ne souhaitent pas recourir à un traitement hormonal. Elles pourraient alors être amenées à concourir dans une catégorie «troisième genre» ou «intersexe», ce qui, entre autres, pose question sur la préservation du secret médical.
Cette nouvelle règle d’éligibilité aux compétitions de sprint et de demi-fond féminins, se rapprochant de la position du Comité international olympique (CIO) sur le sujet, pose éthiquement question et fait lourdement débat au sein des athlètes et du monde scientifique. En effet, la baisse de ce seuil pourrait entraîner un risque pour la santé de certaines sportives, qui pourraient être tentées de recourir à des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques pour faire baisser leur taux d’hormones, alors que celles-ci ne sont finalement atteintes d’aucune maladie. Elles présentent tout simplement une combinaison de chromosomes mâles et femelles ou encore une insensibilité aux androgènes. En outre, des entraîneurs estiment qu’il serait erroné de conditionner les performances sportives uniquement au taux de testostérone.
Il s’agirait plutôt d’une perturbation du développement sexuel. À l’inverse, certains professionnels estiment que cette réglementation rétablit un avantage naturel et permet une égalité dans l’analyse des résultats.
Au-delà de la génétique, un gynécologue du sport belge se questionne également sur les sportifs transgenres, qui, depuis la nouvelle réglementation sur les personnes transgenres, peuvent modifier officiellement l’enregistrement de leur sexe et de leur prénom sans condition médicale. Ils peuvent ainsi désormais pratiquer leur sport dans les catégories «homme» ou «femme», mais doivent, pour ce faire, respecter plusieurs conditions. Cela pose néanmoins la question de savoir si le risque n’est pas de voir des athlètes masculins passer volontairement du côté féminin pour y décrocher de meilleurs résultats.
Monsieur le Ministre, je souhaiterais connaître votre positionnement, ainsi que celui du Comité olympique interfédéral belge (COIB), sur cette nouvelle réglementation de l’IAAF. Comptons-nous des athlètes intergenres et transgenres en Fédération Wallonie-Bruxelles? Quelles sont les conditions de participation établies par les fédérations sportives lors de leurs compétitions? Comment cette nouvelle directive est-elle accueillie par la Ligue belge francophone d’athlétisme (LBFA) et quelles sont les mesures d’informations et les précautions prises?
M. Rachid Madrane, ministre. – Monsieur du Bus, vous soulevez une question qui fait, comme vous le relevez, débat au sein du monde scientifique. Sur un plan réglementaire, la LBFA nous a confirmé que la décision de l’IAAF est entrée en vigueur au début novembre. À ce jour, ni la première ni la seconde n’ont encore pris de position officielle. À leur niveau, aucun athlète ne serait dans cette situation très spécifique. De même, ni le COIB ni mon administration n’ont connaissance de sportif de haut niveau belge concerné. L’IAAF, confrontée à plusieurs cas, a été contrainte de prendre une réglementation spécifique pour clarifier l’accès aux compétitions pour certaines épreuves. La commission médicale du CIO travaille actuellement à la mise à jour des lignes directrices sur le transgenre, la précédente version datant de 2003, notamment en collaboration avec la Commission des athlètes. Les documents ne sont actuellement pas publics.
En tant que ministre des Sports, je dois respecter le principe de l’autonomie d’organisation du sport, en laissant le soin aux fédérations sportives internationales de déterminer les conditions de participation des athlètes aux compétitions qu’elles organisent. L’autorité publique doit veiller cependant à ce que ces règles respectent les normes de droit international, et notamment la Convention européenne des droits de l’homme qui institue l’interdiction de toute discrimination. Au-delà du débat scientifique sur les taux de testostérone ou d’hormones se pose la question éthique de l’équilibre entre l’accès au sport pour tous les sportifs et sportives ainsi que la préservation de l’équité des compétitions.
Sur le plan des principes, nous rappelons que les règles visant éventuellement à restreindre l’accès au sport à certaines catégories de personnes ne visent que le sport de très haut niveau et aucunement le sport que nous pratiquons au quotidien. À ce titre, je me permets de rappeler la campagne «Et toi t’es casé-e?». Cette campagne vise à sensibiliser les jeunes de douze à vingt-cinq ans – et les professionnels qui les encadrent dans l’enseignement et dans les secteurs de la jeunesse et du sport – à la lutte contre les stéréotypes et les discriminations. Elle vise également à amener les jeunes à trouver de l’aide et des réponses à leurs questions, quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
Cette campagne a été réalisée par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, en collaboration avec le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, la Fédération Wallonie-Bruxelles, le délégué général aux droits de l’enfant, la Région wallonne et la Commission communautaire française. Son objectif – lutter contre l’homophobie et la transphobie –, s’inscrit dans des valeurs, des missions et un cadre légal qui fondent le «vivre ensemble». Cette campagne se décline sur divers supports: des spots TV et radio, un site internet – www.ettoitescase.be –, une page Facebook, un DVD, une affiche, un dépliant et un guide pédagogique. Le matériel de la campagne et le guide pédagogique sont disponibles gratuitement sur le site précité que je vous invite à consulter. L’administration des Sports a d’ailleurs collaboré activement à la rédaction de ce guide pédagogique et plus particulièrement au chapitre concernant le milieu sportif. De nombreux exemples et conseils pratiques y sont consignés et destinés à des dirigeants, des entraîneurs ou encore à des parents et supporters.
M. André du Bus. – Monsieur le Ministre, je vous concède qu’actuellement ce sujet est un peu virtuel puisque comme vous l’avez dit, il n’y aurait pas de sportif de haut niveau concerné en Belgique. Ceci étant, il faut rester vigilant, car vous connaissez comme moi l’évolution génétique. D’une part, il n’est donc pas impossible de voir surgir à l’avenir des sportifs belges de haut niveau à la frontière des genres. D’autre part, comme le disait ici même le professeur Luc Baeyens, il n’est pas non plus impossible qu’un jour nous constations que des hommes franchissent le pas vers le genre féminin, en conservant leur squelette masculin et tous ses avantages: résistance au stress, volume des globules rouges, volume musculaire, etc. Il faut également respecter le principe d’accessibilité à tous d’une discipline sportive, d’équité, d’égalité des chances. Ce sujet doit donc être tenu à l’œil, il s’agit de suivre l’évolution et les manipulations génétiques, même si nous ne rentrons plus dans ce dernier cas dans le domaine du choix conscient et délibéré des personnes, mais dans celui de manipulations opérées avant la naissance.
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