Interpellation à la ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances "Pour un dispositif d’évaluation intégré et continu en promotion de la santé"
M. André du Bus. – Le dernier numéro de la revue Éducation Santé est exclusivement consacré à l’évaluation de la promotion de la santé. Au travers du regard de l’APES-Ulg et de ses travaux très pertinents, notamment, il offre une réflexion intéressante et nécessaire en la matière. À la veille d’un changement de paysage de la promotion de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles, il me paraît opportun de vous interroger sur le sujet. Ces dix dernières années, la façon d’appréhender l’évaluation en matière de promotion de la santé a été peu modifiée en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les pratiques d’évaluation interne (outils, méthodologie et expériences par les opérateurs de terrain) ont, à de nombreuses reprises, montré leur qualité. Cependant, excepté l’évaluation des dispositifs de politique de santé commandée dans le cadre de votre réforme, sur laquelle nous avons déjà eu l’occasion de vous interpeller, les initiatives des politiques en matière d’évaluation ont été jusqu’à présent particulièrement limitées. À l’heure actuelle, il serait pertinent que les démarches de terrain s’inscrivent dans une continuité et qu’elles s’intègrent aux politiques, de sorte que nous mettions en place un dispositif d’évaluation efficient, avec le souci d’améliorer son pilotage et la visibilité de ces politiques dans le cadre d’une réforme de la promotion de la santé. Selon les différents experts concernés, l’évaluation devrait être fondée sur des dispositifs de type participatif, ce qui nécessite plus d’échanges entre les acteurs institutionnels, les acteurs politiques et la société civile. Comme l’exprime Chantal Vandoorne, directrice de l’APES, dans le dernier numéro d’Éducation Santé : « Finalement, le plus grand défi restera de développer des méthodes et des outils qui permettent de mettre en place, sur une large échelle, des évaluations émancipatrices ». Elles devront donc prendre en compte l’avis de la population dans les différentes phases de l’évaluation d’un programme public et les groupes les plus fragilisés pourront prendre part aux questionnements et aux informations. En d’autres termes, la collecte des données utiles pour le pilotage de la politique de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles suppose de tenir compte tant de l’action locale que de la gouvernance plus globale. Cette démarche implique des processus de négociation qui visent à laisser émerger, sans a priori de départ, des actions locales qui serviront de repères à une future action publique en ce domaine. Madame la ministre, il apparaît primordial de développer une culture de l’évaluation auprès des décideurs et des acteurs politiques et administratifs, mais aussi d’inciter les citoyens et les opérateurs de proximité à s’approprier les évaluations, à mieux comprendre leur finalité et leur réalité. Il s’agit d’un acte citoyen permettant à tout un chacun d’apporter une critique constructive des décisions politiques et sociétales. Dans ce cadre, quelles démarches la Fédération Wallonie- Bruxelles met-elle actuellement en place pour développer l’évaluation en promotion de la santé ? À la veille du changement du paysage de la promotion de la santé, des réflexions, des projets et/ou des actions ont-ils récemment été menés pour garantir un dispositif d’évaluation intégré et continu impliquant la société civile et le secteur associatif en particulier ?
Mme Fadila Laanan, ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances. – Dans le processus d’évaluation intégré et continu en promotion de la santé, la réglementation prévoit une évaluation des demandes de subventions. Celle-ci figure parmi les éléments analysés par les instances d’avis. Dans leur rapport d’évaluation, les sociétés Perspective Consulting et Efficience Consulting avaient souligné que le terme « évaluation » recouvrait dans le secteur des réalités très différentes, et que les évaluations suivaient des méthodologies diverses. Les experts eux-mêmes éprouvent des difficultés à identifier des critères propres à la promotion de la santé et à la santé publique. En outre, il est malaisé d’affirmer que l’ensemble des facteurs pris en compte dans ledit programme sont réellement imputables à ce dernier, et non à d’autres facteurs interférents. De manière générale, les services communautaires et centres locaux de promotion de la santé ont pour mission d’accompagner les opérateurs dans leurs missions, notamment dans leurs évaluations. Ces missions sont cependant peu développées. Ainsi, le Conseil supérieur de promotion de la santé est spécialisé dans les questions d’évaluation par le biais de l’Apes « Action, recherche et évaluation en Promotion de la santé et éducation pour la santé ». L’essentiel de l’activité de l’Apes consiste à fournir, à la demande, un appui méthodologique permanent aux porteurs de projets. Cependant l’Apes ne développe pas de véritables indicateurs. Les services PSE remettent un rapport d’activité annuel. L’évaluation des projets de service est réalisée par les services PSE sur la base d’un questionnaire d’évaluation établi par l’Apes. Ce questionnaire donne une idée globale des actions ainsi que des freins. Jusqu’ici, les démarches d’évaluation en promotion de la santé ont surtout été du ressort des promoteurs de projets avec l’appui éventuel des services agrées, dont l’Apes, le Service d’information promotion éducation santé et certains Centres locaux de promotion de la Santé. Outil indispensable d’aide à la décision, l’évaluation doit tenir compte du niveau de responsabilité des acteurs. À leur tour, les acteurs de terrain doivent prendre en compte l’évaluation des objectifs spécifiques et des résultats de leurs projets. La FWB doit intégrer l’évaluation de ses choix stratégiques et politiques, de ses instruments et de ses activités. Dans le futur paysage de la santé, l’accent sera mis sur le développement de la culture de l’évaluation.
M. André du Bus. – Madame la ministre, vous avez brossé un tableau assez complet des différents modes d’évaluation en vigueur dans le secteur de la promotion de la santé. Un des principaux messages de l’Apes-ULg, diffusé dans la revue Éducation Santé de novembre 2012, est d’évoluer vers une évaluation co-inclusive, c’est-à-dire un processus impliquant de plus en plus les populations concernées. Mais comment formaliser une évaluation co-inclusive ? Comment progresser dans ce sens ? Je me rends compte que ce n’est pas évident. Je comprends les critères que vous mettez en avant. L’association qui introduit une demande de subvention doit atteindre des objectifs en fonction des critères fixés. Comment faire évoluer les pratiques pour que les bénéficiaires puissent prendre part au processus d’évaluation ? Il faudrait sans doute, mais peut-être est-ce déjà le cas, que vous avanciez de concert avec l’Apes-ULg pour voir la manière dont celui-ci rend cela opérationnel dans son dispositif d’évaluation.
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